jeudi 15 mars 2012

Mais que se passe-t-il au Tibet ?

Samdhong Rinpoché, ex-Premier ministre du gouvernement tibétain en exil, invité par la commission du Sénat France Tibet, a fait de part de ses pensées aux Sénateurs présents, et au public dont j'en faisais parti. A la question, "N'etes-vous pas déçu de l'attitude de la Communauté Internationale ?" Rinpoché a répondu "We expect nothing from anybody, they have to feel at ease with their conscience" "Nous attendons rien de personne, ces personnes doivent se débrouiller avec leur conscience.".


Voici, une interview témoignage par le Point.fr qui donne une vue très juste et limpide de la situation au Tibet et du comportement du Parti Communiste Chinois, expliqué par Samdhong Rinpoché :

Le Point. fr : Quel est le but de votre voyage à Paris ?

Samdhong Rinpoché : Mon séjour n'a aucun but politique. Je suis simplement venu ici superviser la construction de nouveaux monastères, en compagnie de mes amis. Nous travaillons également à un projet académique relatif aux enseignements de Sa Sainteté (le dalaï-lama, NDLR) en matière de responsabilité universelle.

Comment expliquez-vous la recrudescence des immolations au Tibet ?

Lorsque vous ne pouvez pas protester, la seule façon pour les Tibétains de manifester leur mécontentement reste de se sacrifier. Les Tibétains sont très attachés à la non-violence, enseignée par son excellence le dalaï-lama.

Quel est votre position vis-à-vis des immolations ?

Je ne peux les condamner, quelle autre solution avons-nous à leur proposer ? Les moines se sont immolés avec les meilleures intentions, à savoir la liberté religieuse, celle du peuple et de ses droits humains. Ils dénoncent des mesures répressives intolérables. Il n'y a aucun moyen de survivre avec dignité. Bien sûr, nous n'encourageons pas les gens à s'immoler, car leur vie est très précieuse, surtout ces jours-ci au Tibet. Le parti communiste chinois a décidé de rendre les Tibétains minoritaires dans leur propre pays. Il a encouragé la colonisation de près de neuf millions de non-Tibétains. Pendant ce temps, de nombreux Tibétains disparaissent.

Des manifestations pacifiques ne sont-elles pas possibles ?

Le contrôle chinois est si vaste que même deux personnes ne peuvent pas se rassembler. Il existe aujourd'hui au Tibet un militaire pour quatre Tibétains.

Les manifestations pacifiques ont pourtant fait leurs preuves dans le Printemps arabe.

Oui, mais le Maghreb et le Moyen-Orient sont civilisés. Les manifestations pacifiques y sont coordonnées. Ce n'est pas le cas de la Chine, qui ne respecte en rien les droits humains, ou toute opinion dissidente. Tous ceux qui tentent d'organiser des manifestations sont tués, emprisonnés ou torturés. Personne ne peut survivre.

Quelle est la situation sur le terrain ?

Un génocide culturel est mené depuis plus de 20 ans au Tibet. Celui-ci s'est particulièrement durci après 2008. La culture tibétaine, la langue, l'identité, tout ceci est considéré comme une menace favorisant le séparatisme et la désintégration. Les Chinois veulent effacer toute trace de cette "tibétanité", peu importe s'ils doivent totalement anéantir les Tibétains. Ils n'ont donc aucune hésitation à organiser en parallèle un génocide humain.

Appelez-vous à l'indépendance ou à une véritable autonomie du Tibet ?

Il y a différentes opinions au sein du peuple tibétain. Si certains d'entre eux appellent à l'indépendance, la majorité souhaite une vraie autonomie, dans le cadre de la constitution du Parti communiste chinois. C'est à l'heure actuelle la position officielle du gouvernement tibétain en exil.

Comment interprétez-vous le lourd silence qui pèse en Occident sur les exactions commises au Tibet ?

C'est aux médias d'en parler. Or, aujourd'hui, le monde est contrôlé par les Chinois, plus précisément par leur marché.

Est-il possible de résoudre la situation au Tibet sans l'aide internationale ?

Nous bénéficions d'un incroyable soutien public partout dans le monde, notamment en France, au Sénat, au Parlement et de la part d'ONG. Or cela ne suffit pas à changer la situation à l'intérieur du Tibet.

Quel est selon vous le meilleur moyen de mettre Pékin sous pression ?

Personne ne souhaite ni n'ose mettre la Chine sous pression, car elle garde la mainmise sur le monde sur le plan économique. Il est très bon pour les pays développés, y compris les États-Unis, de garder la situation telle quelle. Pékin peut faire ce qu'elle veut, elle ne subira aucune remontrance, aussi longtemps qu'elle garantira à ces pays la sécurité de leurs affaires. En Chine, en soudoyant un dirigeant politique ou un commandant militaire, vous vous assurez de bénéficier d'une main-d'oeuvre très bon marché, qui surpasse toute concurrence. Malheureusement, au XXIe siècle, les grandes puissances n'ont d'autre valeur que le profit.

La récente victoire des fermiers de la région chinoise du Wukan face au pouvoir central n'est-elle pas synonyme d'espoir ?

Non, car les fermiers du Wukan sont chinois, de l'ethnie des Hans (majoritaire en Chine, NDLR). Les Tibétains sont victimes d'une discrimination raciale éhontée.

L'immolation des Tibétains et celle de Mohamed Bouazizi en Tunisie, qui a déclenché le Printemps arabe, sont-elles comparables ?

Pas du tout. Dans les années 1960, l'immolation d'un moine bouddhiste au Vietnam a secoué le monde entier, et a mis fin à la guerre. En 2010, l'immolation d'un marchand ambulant à Sidi Bouzid a apporté le changement dans beaucoup de pays d'Afrique du Nord. Regardez le contraste au Tibet. Au cours des douze derniers mois, 26 personnes se sont immolées par le feu. Personne ne l'a remarqué.

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